Interview de Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue

 

Bertrand Dautzenberg est Ex-Pneumologue APHP ; Pr Emérite Sorbonne Université, Tabacologue à l’Institut Arthur Vernes ; Investigateur étude ECsmoke; Secrétaire général de l’Alliance contre le tabac ; Président de Paris sans tabac.

Enjeux : Pourquoi encourager le recours à la cigarette électronique ?

Bertrand Dautzenberg : En tant que tabacologue, je m’intéresse à toutes les solutions qui peuvent fonctionner, et ma pratique comme les études le mettent en évidence. En 2019, Peter Hajek,  directeur de l’Unité de recherche en santé à l’Université Queen Mary de Londres, a mené une étude qui a permis de comparer l’efficacité des cigarettes électroniques à celle des substituts nicotiniques sur près de 900 patients. Il y a eu presque trois fois plus d’arrêts avec la e-cigarette qu’avec substituts nicotinés. Les patients ayant eu recours à la e-cigarette continuaient le traitement trois mois après, alors que la moitié de ceux qui étaient sous substituts avaient abandonné. Et quand on regarde les données, les gens qui avaient la cigarette électronique la moitié en prenait encore à trois mois, ceux qui avaient des substituts au bout de 20 jours la moitié avaient arrêté. Je l’ai également constaté lorsque je travaillais à l’Hôpital Marmottan, hôpital spécialisé dans les addictions.

E. : Comment l’expliquez-vous ?

B.D. : Les fumeurs adhèrent d’avantage à un produit qui fait plaisir. C’est la même nicotine, mais les fumeurs prendront plus longtemps la e-cigarette. Je suis persuadé que c’est un problème d’adhésion de la personne qui souhaite arrêter de fumer à la prise du produit. Fort de ce constat, je fais désormais attention à la façon dont je prescris des gommes ou pastilles : Comme pour les e-cigarettes, je présente différentes marques, plusieurs goûts. Quand ça leur plait, les patients le prennent, lorsque ça ne leur plaît pas, ils n’achètent pas, même c’est sur l’ordonnance.

E. : Pourquoi ne pas vendre la cigarette électronique en pharmacie ?

B.D. : Il est vrai que certaines personnes, et notamment les plus de 55 ans, seraient rassurés de voir la cigarette électronique en pharmacie, à l’image du patch. Si les e-cigarettes bénéficiaient d’autorisations de mise sur le marché, ça permettrait par ailleurs de les avoir dans les hôpitaux et de les mettre à disposition des malades. Et puis ça pourrait être remboursé par l’Assurance Maladie, comme le patch.

Pour autant, dans les boutiques spécialisées les fumeurs sont face à des interlocuteurs qui les conseillent, qui prennent le temps, et une offre pléthorique. Quant aux buralistes, ils n’ont pas le temps de conseiller et en plus leur métier et de vendre des cigarettes conçues pour que les fumeurs le restent. Il n’y a pas du tout de volonté à ce que les gens arrentent la dépendance nicotinique. Pour ceux qui veulent vraiment arrêter il vaut mieux aller en boutique.

E. : Est-il vraiment pertinent, puisqu’on parle d’offre pléthorique, de proposer aux fumeurs des parfums farfelus ?

Au début, j’étais très agacé par ces parfums, dont on pourrait penser qu’ils cherchent à attirer les jeunes. Jusqu’au jour où j’ai rencontré un chauffeur routier tatoué et baraqué comme un joueur de rugby, qui achetait des e-liquides à l’arôme barbe-à-papa. J’ai compris alors que ça n’était pas forcément pour les jeunes, mais plutôt que chacun devait trouver le goût qui lui plaisait pour adhérer au concept.

E. : Une e-cigarette certifiée AFNOR rassure t-elle l’utilisateur ?

C’est en effet un gage de qualité.

Propos recueillis par Stéphanie Nedjar

Catégories :Uncategorized

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s