L’anti-gaspillage dans le vrac

Chaque année en France, près de 10 millions de tonnes de denrées alimentaires comestibles sont gaspillées : 150kg par personne, 18% de la production alimentaire et une valeur commerciale estime à 16 milliards d’euros. La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc un défi majeur, pour la distribution traditionnelle mais aussi pour les commerces de vente à vrac, aux enjeux spécifiques qu’il convient d’identifier avant que le vrac ne soit massivement implanté en grandes surfaces. L’Afnor a développé un label en ce sens.

En août 2021, la loi Climat et Résilience adoptée par le Parlement consacrait la pertinence du commerce en vrac comme l’une des solutions à la réduction du bilan carbone du commerce, ce qui s’est traduit par de nouvelles obligations pour la grande distribution alimentaire. En effet, à compter de janvier 2030, les commerces de plus de 400 m2 devront consacrer au moins 20% de leur surface à la vente en vrac. Une nouvelle forme de distribution qui pose de nombreux défis. Le vrac nécessite notamment une gestion logistique rigoureuse, pour la santé du consommateur bien sûr, mais aussi pour éviter de devoir jeter des denrées abîmées, d’autant que la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC) de 2020 oblige les distributeurs à réduire leur gaspillage alimentaire de 50% par rapport au niveau de 2015 d’ici à 2025.

Les défis du vrac

Ces lois, indique la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), « font du consommateur un acteur majeur de la transition écologique et comprend plusieurs dispositions relatives à la consommation ». Afin d’accompagner la promotion de la vente en vrac, la DGCCRF a mené, en 2021, une enquête sur la vente en vrac des denrées alimentaires dans les commerces de détail. Face à l’essor de ce mode de distribution promu dans le cadre de la loi Climat et Résilience, cette enquête avait pour objectif de s’assurer que les pratiques des professionnels garantissent la sécurité et l’hygiène des aliments ainsi que la loyauté des informations fournies au consommateur.

Sur les 1493 établissements visités (supermarchés, magasins bios, épiceries, commerces 100 % vrac…), 756 étaient en anomalie, soit 46 % ; un chiffre stable par rapport à 2020. 578 avertissements, 107 injonctions et 11 procès-verbaux ont été rédigés pour défaut d’hygiène (nettoyage ou conservation des denrées), information incomplète des consommateurs (prix, origine, affichage des allergènes), mentions trompeuses, défaut d’enregistrement à l’Agence Bio et tarage inadéquat des balances.

L’implication de tous les acteurs

« L’étiquetage est en effet complexe à appréhender », reconnaît Célia Rennesson, cofondatrice et Directrice générale de Réseau Vrac, « mais lorsque les boutiques suivent des formations, les difficultés disparaissent ». Réseau Vrac est né il y a six ans dans l’intention, justement, de professionnaliser le secteur, en poussant notamment les pouvoirs publics à dessiner un cadre, à fixer des règles, pour, in fine, pérenniser la filière.  « Les formations devraient être obligatoires », affirme Célia Rennesson, car les informations à faire figurer sont moins simples qu’il n’y paraît. « Pour les produits cosmétiques, les produits en vrac reçoivent sur leurs étiquettes les mêmes indications que sur les produits pré-emballés, mais pour les denrées alimentaires nous recommandons d’en mettre plus que sur le pré-emballé ».  L’origine des produits est un enjeu et la filière, très innovante, a mis au point il y a un an une application de traçabilité qui permet de répondre aux interrogations de l’acheteur, qui lui-même, devrait être formé. L’alinéa 3 de la Loi Climat exige d’ailleurs des pouvoirs publics qu’ils mènent des campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs. En attendant, c’est la filière qui s’en charge, et qui a publié l’année dernière un guide de bonnes pratiques, en vente dans les boutiques spécialisées.

Le consommateur, par exemple, doit apprendre à se servir et à peser. Aujourd’hui, les mites alimentaires sont un fléau responsable de pertes conséquentes pour les magasins. Il faut apprendre à bien refermer les silos, veiller à se servir avec les pinces ou les louches mises à disposition. Le comportement du consommateur est un enjeu dans les magasins spécialisés mais plus encore peut-être dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) alimentaires. « Le rayon vrac exige du personnel », explique Célia Rennesson, comme dans le rayon fruits & légumes frais, c’est à dire non seulement pour le réassort mais aussi pour remettre en place les produits, reboucher les silos, éviter les erreurs lors de la pesée. Dans une enseigne spécialisée comme Biocoop, les silos sont nettoyés à chaque fois, en grande surface le nettoyage se révèle beaucoup plus aléatoire. Les GMS plaident en faveur d’un allègement de charges pour ces personnels, Réseau Vrac pour que soit imposée une formation hygiène adaptée.

Le producteur, lui aussi, a un rôle à jouer, et en particulier les industries agroalimentaires Pour une conservation et une hygiène optimales leurs produits doivent être repensés, à tout le moins adaptés. Michel et Augustin, par exemple, a testé toute sa gamme de biscuits et sélectionné pour la vente en vrac ceux qui vieillissent le mieux, notamment en termes d’humidité. La perspective du marché des GMS a poussé les marques à développer des gammes de produits pour le vrac. Kusmi Tea, Lustucru, Vahiné, Tipiak, Nescafé, Carte Noire, Lavazza, M&M’s, Bjorg, et quelques autres ont adopté des démarches très volontaristes. « Il faut soutenir cette transition », martèle  Célia Rennesson, « car le vrac n’est pas inscrit dans leurs modèles ». Changer les lignes de conditionnement coûte cher, modifier les recettes pour que les produits supportent les conditions du vrac aussi. La marque de confiseries et biscuits Belledonne, par exemple, a développé des produits plus épais, moins friables.

Le label anti-gaspi

Distributeurs, consommateurs, producteurs : toute la chaîne de valeur a donc un rôle à jouer dans la préservation des denrées vendues en vrac, dont les pertes sont estimées entre 5 et 10%, parfois plus. Alors comment éviter ce gaspillage ?

Pour accompagner l’ensemble des acteurs dans leurs démarches contre le gaspillage, le ministère de la Transition écologique et des territoires, a reçu l’appui d’AFNOR Normalisation, qui a mobilisé les acteurs français de la chaîne alimentaire pour développer un référentiel normatif, l’AFNOR SPEC 2204, qui servira de socle au label national « Anti gaspillage alimentaire » à destination des distributeurs qui sera prochainement mis en place.

« Le label s’appuiera sur un référentiel de moyens et de résultats, fournissant des définitions et des moyens de mesure du gaspillage alimentaire », explique Perrine Leroy, Chef de projet normalisation au sein du Département Agroalimentaire de l’AFNOR. « .  Le référentiel tient compte des actions de plusieurs domaines, à savoir : les approvisionnements et achats des denrées alimentaires, la commercialisation des denrées alimentaires et la gestion des invendus et du don ».

Autour de la table, la plupart des acteurs ont été réunis : les acteurs institutionnels (Ministères de l’Agriculture, de l’Economie, de la Transition écologique, ADEME, Association des régions de France…), le monde associatif (Secours Populaire, Croix Rouge, Banques alimentaires…) la grande distribution (Leclerc, Intermarché, Carrefour, Système U…), les représentants des commerces de bouche, et Réseau Vrac, qui faisait valoir les spécificités de sa filière. « Nous voulions un référentiel adapté, c’est-à-dire pratique et aux coûts induits maîtrisés », précise rappelle Lucia Pereira, Directrice des Affaires juridiques de Réseau Vrac. En effet, le secteur du vrac connaît une crise conjoncturelle qui pèse sur ses résultats financiers. « Le vrac, par définition, c’est déjà de l’antigaspillage », rappelle t-elle enfin, en ce qu’il limite les emballages, « mais on doit aller plus loin et le label peut aider la filière à poursuivre en ce sens, pour des raisons à a fois environnementales, économiques, et éthiques ».

Catégories :Uncategorized

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