« La lutte contre la corruption ne peut que profiter à la défense et à la promotion des intérêts de ses entreprises. »
Enjeux : L’AFA a vocation à contrôler les
entreprises. Quelles seront les entreprises contrôlées en priorité ?
Charles Duchaine : L’une des missions de L’AFA est en effet, de contrôler
la mise en œuvre — par les sociétés et les établissements publics à caractère
industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés dont le chiffre
d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros — des mesures et procédures de
conformité définies par l’article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016,
qui doivent composer un programme anticorruption. Les contrôles de l’AFA
débuteront dans les semaines qui viennent. D’une manière générale, les
entreprises contrôlées seront sélectionnées sur le fondement d’une
programmation répondant à de multiples enjeux, notamment le degré d’exposition
au risque de corruption des secteurs d’activité.
E. : Quels sont
les moyens consacrés à l’agence et les objectifs fixés ?
Ch. D. : L’Agence, dont l’effectif
total sera de 70 agents, dispose d’équipes de contrôle composées d’inspecteurs
et de contrôleurs. La mise en œuvre de cette programmation participera des
objectifs définis dans le programme national de prévention de la corruption
dont l’AFA a la responsabilité.
E. : Quelles sont
les modalités de mise en place des conventions judiciaires d’intérêt public ?
Ch. D. : L’article 41-1-2 du
code de procédure pénale prévoit une procédure permettant au procureur de la
République de conclure avec une personne morale mise en cause ou mise en examen
pour corruption, trafic d’influence, blanchiment de fraude fiscale ou pour des
infractions connexes, une convention comprenant une ou des obligations
déterminées dont l’exécution éteint l’action publique.
Si la personne morale concernée y donne son accord, la proposition de
convention est soumise par le procureur de la République à la validation du
président du tribunal de grande instance. L’ordonnance de validation, qui n’est
pas susceptible de recours, n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni
la nature ni les effets d’un jugement de condamnation. La CJIP n’est pas
inscrite au bulletin n°1 du casier judiciaire.
La convention peut prévoir la mise en œuvre d’un programme de conformité sous
le contrôle de l’Agence française anticorruption, laquelle rend compte au
procureur de la République, à sa demande et au moins annuellement, de la mise
en œuvre du programme. L’Agence devra également communiquer un rapport à
l’expiration du délai d’exécution de la mesure.
E. : Quelles
affaires seront visées et quel sera le montant des amendes ?
Ch. D. : Ces conventions
peuvent être conclues pour toutes les infractions en matière d’atteintes à la
probité ainsi qu’au blanchiment de fraude fiscale. Conformément à la loi, le
montant de l’amende sera fixé de « manière proportionnée aux avantages tirés
des manquements constatés dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen
annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la
date du constat de ces manquements ». Le choix de cette procédure est laissé à
l’initiative des parquets.
E. : Quelles sont
les prérogatives de l’AFA en matière d’extraterritorialité ?
Ch. D. : Les entreprises étrangères sont susceptibles d’être
contrôlées par l’AFA lorsqu’elles répondent aux critères définis par la loi.
L’Agence précisera dans quelques semaines le périmètre des contrôles
lorsqu’elle publiera ses premières recommandations.
E. : La protection
des lanceurs d’alerte, qui passe par les directions des ressources humaines,
créé-t-elle un conflit de loyauté ?
Ch. D. : Cette compétence, au
sens large, relève des attributions du Défenseur des droits. La loi prévoit un
dispositif très complet de protection des lanceurs d’alerte, assorti notamment
de dispositions dans le code du travail qui protègent les salariés. Les entreprises
ont une obligation de résultat à cet égard. Les directions des ressources
humaines devront en tenir compte.
E. : Face à des
juridictions anglo-saxonnes, pensez-vous que l’AFA puisse être considérée comme
un outil de « guerre économique », permettant de mieux protéger les
intérêts nationaux ?
Ch. D. : L’AFA n’a d’autre
objet que celui qu’a voulu lui donner le Législateur. Son action s’inscrit
néanmoins dans un jeu d’acteurs économiques, politiques et judiciaires, au sein
duquel la démonstration par la France qu’elle se range parmi les nations « les
mieux disantes » en matière de prévention et de lutte contre la corruption ne
peut que profiter à la défense et à la promotion des intérêts de ses
entreprises.
Propos recueillis par Stéphanie Nedjar
[Encadré 1200 signes]
Les instruments de la lutte
anticorruption
. La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin 2, relative à la
transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie
économique – Elle oblige aux entreprises de plus de 500 salariés et au
chiffre d’affaires supérieur à cent millions d’euros à mettre en œuvre des
plans de prévention de la corruption. Elle créée également une Agence française
anticorruption (AFA) dont la mission est d’aider les autorités compétentes et
les personnes qui y sont confrontées à détecter des faits de corruption.
. La norme ISO 37001:2016 – Elle définit des exigences et fournit des
préconisations. Elle démontre que les entreprises privées, publiques, non
gouvernementales, ont mis en place des procédures pour prévenir, détecter et
traiter la corruption.
. La norme ISO 26000:2010 – Relative à la responsabilité sociale des
organisations, elle donne des lignes directrices aux entreprises et aux
organisations pour opérer de manière socialement responsable.
. La convention de lutte contre la corruption de l’OCDE de 1999 – En vigueur en
France depuis septembre 2000, elle est conçue pour lutter contre la corruption
transnationale.
S.N.
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